Ré-introduction d’un néonicotinoïde tueur d’abeilles. Stop à l’enfumage !

Les apiculteurs utilisent la fumée pour calmer leurs abeilles, avec finesse et doigté. Ils sont donc particulièrement énervés par l’enfumage de l’industrie qui vise à nous cacher la vérité et à nous tromper pour arriver à leurs fins : remettre un pesticide très toxique, interdit, mais très lucratif sur le marché.

Il y a trois ans, presque jour pour jour, des chercheurs de l’Université de Neuchâtel publiaient un article dans Science, montrant que 75% des miels du monde étaient contaminés par au moins un néonicotinoïde1. Cette étude a révélé que les effets de ces pesticides concernaient les pollinisateurs du monde entier! Elle permettait déjà de mettre en perspective deux décennies de recherche sur le sujet! Elle a aussi permis de sensibiliser l’opinion public sur le sujet et a été mobilisé par des politiciens pour voter une interdiction de trois molécules au niveau européen et suisse. La France est allé encore plus loin. Ils ont interdit 5 néonicotinoïdes. Un joli succès!

Les betteraviers français ont récemment obtenu une ré-introduction de l’imidaclopride pour lutter contre un puceron, vecteur de la jaunisse de la betterave. Ce néonicotinoïde est particulièrement dangereux pour l’environnement. Une brèche a été ouverte! Aujourd’hui, les betteraviers suisses demandent la même chose.

Nous refusons que la recherche scientifique (>1200 articles scientifiques sur le sujet attestant d’un consensus fort) soit ignorée dans un tel débat et nous opposons à la ré-introduction de l’imidaclopride. Il s’agit selon nous de démêler le vrai du faux !

Nonle fait que la betterave n’est pas une plante mellifère et que les betteraviers s’engagent à ne pas planter de plantes à fleur pendant trois ans ne résout pas le problème !

L’abeille a été au centre des débats qui ont conduit à l’interdiction des néonicotinoïdes. Bien que l’abeille ait permis une prise de conscience du public et des décideurs sur la toxicité de ces molécules, le problème est bien plus vaste. Ces molécules qui persistent dans le sol jusqu’à 20 ans 2 ont également des effets négatifs sur les autres polinisateurs, que sont les abeilles sauvages et la faune du sol, ainsi que sur l’ensemble de l’écosystème3.

De plus, les véritables enjeux se passent sous terre. En effet, lors du semis d’une graines enrobées de néonicotinoïdes, seul 2-20% de la substance active est absorbée par les racines et transférée dans l’ensemble de la plante (on parle de pesticide systémique). Les 80-98% restant4 contaminent inutilement le sol, peuvent contaminer les zones en bordure des champs, être transportés par ruissellement dans les cours d’eau et polluer les nappes phréatiques5. Comme développé précédemment6, il est donc simpliste et réducteur de ne s’intéresser qu’aux seules abeilles. Il est essentiel de considérer les impacts de ces pesticides sur les autres insectes, organismes du sol, et les vertébrés, y compris les oiseaux, poissons, et mammifères et donc aussi l’homme pour évaluer l’impact des néonicotinoïdes dans son ensemble.

Enfin, une étude récente menée en France7, démontre que les résidus de néonicotinoïdes persistent dans le sol et se retrouve dans le nectar de plantes n’ayant pas été traitées. Pendant plusieurs années, les traitements avec des néonicotinoïdes étaient interdits sur le colza mais étaient autorisés sur les plantes considérées comme non attractives pour les abeilles, comme le blé ou la betterave. L’analyse du nectar de colza a montré que malgré l’absence de traitements directs de cette culture, l’imidaclopride a été détectée dans environ la moitié des échantillons de nectar de colza.

Non, le puceron, vecteur du virus de la jaunisse de la betterave, n’est pas le responsable des dangers qui menacent la filière du sucre suisse.

Dérégulation du marché́ et sècheresses récurrentes en sont les causes structurelles. Délivrer une dérogation pour l’imidaclorpride serait donc une mauvaise réponse à un problème économique et climatique. Les accords-cadres de 2006 avec l’UE ont rendu la Suisse dépendante du marché européen. Une surproduction mondiale depuis octobre 2017 a pour conséquence des prix en baisse. Le conseil fédéral a annoncé pour 2021 la fin des mesures d’aides transitoires en faveur de l’industrie sucrière suisse. La couverture des coûts de la culture des betteraves sucrières n’est plus assurée en Suisse.

En visant une solution concertée, en plus des subventions fédérales pour cultures particulières et une adaptation de la protection douanière, il est possible de reporter les coûts sur l’industrie et les consommateurs. Selon les estimations de la Haute école d’économie HSW le coût de la matière première pour une plaque de chocolat au lait de 100 grammes augmenterait d’un centime. La filière n’est donc pas en danger8.

Les betteraviers avancent le chiffre de 50 % de perte de rendement9. Or il s’avère qu’en France, les pertes de 50% ne concerne que les parcelles les plus touchées dans les régions les plus affectée par le puceron. En France, au niveau national, les chiffres sont de l’ordre de 10 à 15%.10 En Suisse, au moment où Paul-André Page déposait son interpellation parlementaire9 demandant une ré-autorisation du Gaucho,en brandissant l’argument de la perte de rendement de 50%, les pointages réalisés par Sucre suisse11 montraient en fait que l’année 2020 se classait en deuxième position au classement des années les plus rentables depuis 2016. Pire, ce document fait état d’une perte de rendement alors que les chiffres présentés ne corroborent absolument pas cet énoncé. Ce rapport de sucre suisse a été rédigé avec un but précis : la ré-homologation de l’imidaclopride comme l’atteste la dernière phrase de ce rapport: 

« La branche va entreprendre tout ce qui est en son pouvoir pour acquérir ce que de nombreux pays voisins ont acquis : une homologation d’urgence pour le Gaucho en enrobage des semences »

Pour continuer de démêler le vrai du faux sur ce dossier, nous vous encourageons à lire l’excellente synthèse publiée par l’Union Nationale de l’Apiculture Française9.

Références :

  1. Mitchell EAD, Mulhauser B, Mulot M, Mutabazi A, Glauser G and Aebi A (2017) A worldwide survey of neonicotinoids in honey. Science 358, 109–111
  2. Baskaran S, Kookana RS, Naidu R (1999) Degradation of bifenthrin, chlorpyrifos and imidacloprid in soil and bedding materials at termiticidal application rates. Pestic Sci 55:1222–1228 
  3. Pisa L,  Goulson D, Yan EC,  Gibbons D, Sánchez-Bayo F, MitchellEAD,  Aebi A, van der Sluijs J, MacQuarrie C, Giorio C, Yim Long E,  McField M, Bijleveld van Lexmond M and Bonmatin JM (2017) An update of the Worldwide Integrated Assessment (WIA) on systemic insecticides. Part 2: Impacts on organisms and ecosystems. Environmental Science and Pollution Researchhttps://doi.org/10.1007/s11356-017-0341-3
  4. Sánchez-Bayo, F. (2014) The trouble with neonicotinoids. Science, 346, 806.
  5. Wood T and Goulson D (2017) The environmental risks of neonicotinoid pesticides: a review of the evidence post 2013 Environ Sci Pollut Res 24:17285–17325 DOI 10.1007/s11356-017-9240-x 
  6. Aebi A et Mitchell E (2020) Les pesticides, lacunes et alternatives. Le Courrier. 10.02.2020
  7. Wintermantel D, Odoux JF, Decourtye A, Henry M, Allier F and Bretagnolle V (2020) Neonicotinoid-induced mortality risk for bees foraging on oilseed rape nectar persists despite EU moratorium. Science of the total environment 704. https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2019.135400
  8. Binswanger M et Maidl E Production suisse de sucre : mesures possibles pour une couverture des coûts et des prix compatibles avec l’UE. https://www.zucker.ch/fileadmin/user_upload/Etude_abregee_f.pdf (consultée le 28.10.20)
  9. Interpellation parlementaire de Paul-André Page du 7.9 2020 au Conseil National https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20203944
  10. Projet de loi visant à réintroduire les néonicotinoïdes en France. Le vrai et le faux de la communication gouvernementale. https://www.unaf-apiculture.info/IMG/pdf/commun_neonicsbetteraves_contreverites_22092020_vf-2.pdf (consultée le 25.10.20)
  11. Sucre Suisse. Sondages de récolte, Betteraves sucrières 2020. 3ème Informationhttps://www.zucker.ch/fileadmin/user_upload/3.Proberodung_15092020_D_F.pdf (consultée le 28.10.20)

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